L'Extravertie que Je Ne Savais Pas Être: Repenser Notre Perception de Soi

Avez-vous déjà été si certaine de qui vous êtes, pour découvrir ensuite que les autres vous voient complètement différemment? Récemment, j'ai vécu un de ces moments qui changent notre perspective et m'ont fait remettre en question la façon dont je me suis étiquetée pendant des années.

La Révélation Choquante

Tout a commencé lors d'une conversation décontractée avec des collègues sur les types de personnalité. Nous discutions du spectre classique introversion-extraversion, et j'assumais naturellement que tout le monde me voyait comme je me voyais moi-même — une introvertie. Quand j'ai demandé directement à une collègue comment elle me percevait, sa réponse m'a complètement prise au dépourvu: "Tu es une extravertie."

Je me suis immédiatement mise sur la défensive. "Non, non, je ne suis pas une extravertie," ai-je insisté. "Je peux donner cette impression parce que j'ai appris ces compétences, mais au fond, je suis une introvertie. J'apprécie énormément mon temps seule."

La conversation s'est arrêtée là, mais elle est restée avec moi. Ce soir-là, j'ai envoyé un message à une amie à propos de l'incident, m'attendant à ce qu'elle confirme ma perception de moi-même. Au lieu de cela, elle m'a assené un autre coup: "Depuis le jour où je t'ai rencontrée, tu as été une extravertie. Tu es une extravertie."

J'étais choquée — et étrangement déçue. Pourquoi étais-je si résistante à l'idée d'être perçue comme une extravertie?

Réexaminer les Souvenirs à Travers une Nouvelle Perspective

Ce retour inattendu m'a envoyée dans un voyage à travers mes souvenirs, revisitant des situations avec un regard neuf. J'ai pensé à ma meilleure amie d'enfance, qui était indéniablement introvertie — calme, timide, réservée. En revanche, je prenais la parole en classe, répondant même aux questions qui lui étaient adressées. Si ce n'est pas un comportement d'extravertie, qu'est-ce que c'est?

Le psychologue suisse Carl Jung, qui a popularisé ces termes dans les années 1920, définissait l'extraversion comme le fait d'être énergisé par la stimulation externe et l'interaction sociale, tandis que l'introversion signifiait puiser son énergie dans la réflexion interne et la solitude. En regardant honnêtement en arrière, j'ai réalisé que je m'épanouissais souvent dans les situations sociales plutôt que de m'en sentir vidée, particulièrement quand j'étais avec des personnes en qui j'avais confiance.

La Nature Contextuelle de la Personnalité

Ce que j'ai commencé à comprendre est quelque chose que la recherche a de plus en plus confirmé: les traits de personnalité ne sont pas des absolus fixes mais des expressions contextuelles. Selon le concept des "traits libres" du psychologue Brian Little, nous pouvons agir "hors caractère" dans la poursuite de projets personnels fondamentaux ou lorsque nous sommes avec différentes personnes.

J'ai remarqué ce schéma en moi-même — quand j'étais avec mon amie timide, je devenais plus extravertie, comme si sa présence libérait quelque chose en moi. Quand j'étais seule, je me repliais dans ce que je considérais comme ma "vraie" nature introvertie.

Mais si les deux expressions étaient des parties authentiques de moi?

Pourquoi Nous Accrochons-Nous à Nos Étiquettes?

La question la plus intéressante est devenue: pourquoi étais-je si attachée à m'identifier comme introvertie? Pourquoi être qualifiée d'extravertie me semblait-il presque une critique?

Notre culture a de plus en plus romanisé l'introversion. Depuis la publication du livre influent de Susan Cain "Quiet" en 2012, l'introversion est passée d'un potentiel handicap social à un marqueur de profondeur, de créativité et de réflexion. Des articles aux titres comme "Pourquoi les Introvertis Sont En Réalité Beaucoup Plus Puissants Que Les Extravertis" remplissent nos flux. En tant que personne qui valorise la créativité et la profondeur, j'avais inconsciemment absorbé le récit selon lequel ces qualités appartiennent principalement aux introvertis.

La vérité est plus nuancée. Les recherches d'Adam Grant et d'autres psychologues organisationnels ont montré que la créativité et la perspicacité peuvent s'épanouir dans les deux types de personnalité, simplement par des voies différentes. Les extravertis génèrent souvent des idées créatives à travers le dialogue et l'énergie collaborative, tandis que les introvertis peuvent le faire par la réflexion solitaire.

La Rigidité de la Perception de Soi

Cette expérience a mis en lumière quelque chose d'universel: la rigidité avec laquelle nous nous accrochons à nos perceptions de nous-mêmes, même face à des preuves contradictoires. Les psychologues appellent cela la "théorie de l'auto-vérification" — nous préférons les retours qui confirment notre vision existante de nous-mêmes, même si cette vision est négative.

Réfléchissez-y: combien d'aspects de votre identité avez-vous étiquetés puis défendus, malgré des preuves suggérant que vous avez peut-être évolué ou changé? Nous voyons si clairement le changement chez les autres, mais restons aveugles à nos propres transformations.

Le Spectre de la Personnalité

La recherche moderne sur la personnalité s'est éloignée de la division binaire introvertie-extravertie. Des psychologues comme Hans Eysenck ont proposé que ces traits existent sur un continuum, la plupart des gens se situant quelque part au milieu — ce qu'il a appelé les "ambivertis."

Je pense à cela comme au spectre de l'autisme que j'ai brièvement mentionné. Aucun de nous n'est purement une chose. Le mot arabe pour l'autisme — "tawahhud" — partage des racines avec des mots signifiant solitude ou unicité. Dans un sens, nous avons tous des aspects uniques développés dans la solitude, tout comme nous avons tous des facettes sociales qui émergent dans la connexion.

Embrasser le Paradoxe

Peut-être qu'au lieu de résister aux perceptions des autres, nous pourrions faire une pause et remettre en question notre attachement aux étiquettes que nous nous sommes données. Et si j'étais à la fois introvertie ET extravertie, selon le contexte, le confort et la connexion?

Le psychologue Carl Rogers a écrit un jour que "le curieux paradoxe est que lorsque je m'accepte tel que je suis, alors je peux changer." Il y a une liberté à relâcher le besoin de s'intégrer parfaitement dans une catégorie ou une autre.

J'apprends donc à être curieuse plutôt que défensive lorsque quelqu'un me voit différemment de comment je me vois. Leur perspective offre une fenêtre sur des aspects de ma personnalité qui pourraient m'être invisibles — les angles morts dans ma conscience de moi.

Une Question pour Vous

Je me demande combien d'entre vous ont vécu quelque chose de similaire — découvrir que la façon dont les autres vous perçoivent diffère radicalement de votre image de vous-même? À quelles étiquettes vous accrochez-vous le plus fermement, et que pourrait-il se passer si vous les teniez plus légèrement?

Peut-être que notre nature la plus vraie ne se trouve pas dans des catégories exclusives, mais dans l'acceptation de la belle complexité et des contradictions qui nous rendent humains.