Les Relations comme Miroirs : Comment les Autres Révèlent Notre Véritable Moi
Ce blog introspectif explore comment les relations servent de miroirs à notre moi intérieur, utilisant la métaphore d'un réservoir d'eau dont les sédiments déposés—nos traumatismes cachés, préférences et souvenirs—sont remués lorsque d'autres entrent dans nos vies. À travers des anecdotes personnelles sur les sensibilités alimentaires et des aperçus de la psychologie, l'article illustre comment nos connexions avec les autres révèlent des aspects de nous-mêmes que nous ne découvririons peut-être jamais seuls, invitant les lecteurs à aborder les relations comme des opportunités de découverte de soi plutôt que comme des sources de jugement.
Aicha
4/2/20255 min lire


Il y a une pensée qui me trotte dans la tête depuis un moment : les relations ne nous permettent pas seulement de connaître les autres, mais aussi – et peut-être surtout – de nous connaître nous-mêmes.
L'Eau Trouble de Notre Être
J'imagine souvent notre être comme un grand réservoir rempli d'eau. Quand ce réservoir reste immobile, l'eau semble claire et tranquille. Mais avec le temps, la poussière, la pluie et les expériences de la vie, des particules s'accumulent dans cette eau. Ces particules – nos mémoires, nos traumatismes, nos préférences, nos aversions – ne flottent pas éternellement à la surface. Elles finissent par couler et se déposer au fond, formant un résidu invisible mais bien présent.
Cette métaphore rappelle ce que Carl Jung appelait "l'ombre" – cette partie de notre inconscient qui contient tout ce que nous avons refoulé, ignoré ou nié en nous-mêmes. Comme l'expliquait Jung, "Tant que l'ombre n'est pas reconnue, le monde demeure un enfer projeté." Notre tâche n'est pas d'ignorer ces sédiments, mais d'apprendre à les reconnaître.
Le Bâton qui Remue l'Eau
Lorsque nous sommes seuls, l'eau reste calme. Les sédiments restent au fond, invisibles. Nous avons l'illusion de nous connaître parfaitement.
Mais quand quelqu'un entre dans notre vie – un partenaire amoureux, un ami proche, un collègue – c'est comme si cette personne plongeait un long bâton dans notre réservoir et remuait l'eau. Soudain, les résidus remontent à la surface. Nous réagissons de façon inattendue. Nous ressentons des émotions qui semblent disproportionnées. Nous découvrons des aspects de nous-mêmes que nous n'avions jamais vus auparavant.
Le philosophe Martin Buber exprimait une idée similaire lorsqu'il écrivait : "Toute vie véritable est rencontre." C'est dans la relation à l'autre que nous nous révélons véritablement, même à nous-mêmes.
Mon Histoire avec la Nourriture : Un Exemple Révélateur
Pour illustrer cette idée, je vais partager une expérience personnelle liée à la nourriture. J'ai grandi dans une société où la variété alimentaire était limitée. Nous mangions souvent les mêmes plats, et il était rare de goûter à des saveurs d'autres cultures.
Je me souviens très clairement que, enfant, certains aliments me rendaient littéralement mal à l'aise, au point de me donner des vertiges et une sensation physique de malaise. Ces expériences se sont gravées dans ma mémoire, mais je n'avais pas réalisé à quel point elles avaient façonné mon comportement.
En vivant seule, je ne mangeais que ce que je connaissais – c'était une zone de confort que je ne remettais jamais en question. Je ne me demandais pas pourquoi je limitais ainsi mes expériences culinaires. L'eau de mon réservoir restait tranquille.
Puis, en rencontrant de nouvelles personnes, j'ai été amenée à essayer de nouveaux aliments. Et voilà que ces anciens malaises sont remontés à la surface ! Ces nouvelles rencontres avaient remué le bâton dans mon eau, faisant remonter des souvenirs et des sensations enfouies depuis longtemps.
La neurologue et auteure Bessel van der Kolk explique ce phénomène dans son livre "Le Corps n'oublie rien" : nos expériences passées, particulièrement celles associées à un inconfort ou un stress, s'inscrivent dans notre corps et peuvent être réactivées par des situations similaires, même des années plus tard.
L'Importance de Ne Pas Juger ni Être Jugé
Quand ces résidus remontent à la surface dans une relation, il est facile de blâmer l'autre personne pour notre inconfort. Il est tout aussi facile pour l'autre de nous juger pour nos réactions qu'ils perçoivent comme excessives ou irrationnelles.
Si nous ne sommes pas conscients que ce qui se passe est en fait une remontée de nos propres sédiments – et non la faute directe de l'autre personne – nous risquons d'accepter ce jugement. Nous intériorisons l'idée qu'il y a quelque chose de "défectueux" en nous, ce qui peut aggraver la situation et ajouter une couche supplémentaire de douleur.
Le psychologue John Gottman, célèbre pour ses recherches sur les relations, a découvert que ce qu'il appelle les "quatre cavaliers de l'apocalypse relationnelle" – la critique, le mépris, la défensive et le mur de silence – commencent souvent par des jugements mal placés sur les réactions de l'autre.
La Question Essentielle
Face à un inconfort dans une relation, une question cruciale mérite d'être posée : ce qui me fait souffrir en ce moment est-il vraiment causé à 100% par l'autre personne ? Ou est-ce que cette personne a simplement touché à quelque chose qui était déjà présent en moi, attendant d'être découvert ?
Et si l'autre personne vous juge pour vos réactions, rappelez-vous qu'elle ne sait pas ce qui se passe à l'intérieur de vous. Elle n'a pas conscience des souvenirs et émotions qu'elle a involontairement fait remonter à la surface.
Cette perspective fait écho à la philosophie bouddhiste de non-attachement et de compassion, où l'on apprend à observer ses réactions sans les juger et à comprendre que les autres agissent selon leur propre conditionnement.
La Beauté de l'Apprentissage Relationnel
Nous sommes des êtres sociaux par nature. Comme l'a écrit Aristote il y a plus de deux millénaires, "L'homme est par nature un animal social." Nous recherchons instinctivement la connexion avec les autres.
Et c'est une bénédiction déguisée ! Car chaque relation devient une opportunité d'apprentissage profond – non seulement sur l'autre, mais surtout sur nous-mêmes. Dans chaque interaction, dans chaque friction, dans chaque moment de joie partagée, nous découvrons une nouvelle couche de notre être.
La véritable richesse d'une relation ne réside peut-être pas dans sa durée ou son issue, mais dans ce qu'elle nous révèle sur nous-mêmes. Les personnes peuvent aller et venir dans notre vie, mais les découvertes sur soi restent et nous transforment.
Une Invitation à la Conscience
Je vous invite à considérer toutes vos relations – amoureuses, amicales, professionnelles, familiales – comme des opportunités de découverte de soi. Chaque fois que vous ressentez une émotion forte en présence de quelqu'un, demandez-vous : qu'est-ce que cette réaction me révèle sur moi-même ?
Au lieu de vous perdre dans la tristesse d'une relation qui se termine, prenez le temps de faire le deuil, puis chérissez les découvertes qu'elle vous a offertes. Notez ces apprentissages. Créez un journal de vos découvertes personnelles.
Qu'avez-vous appris sur vos goûts, vos aversions, vos déclencheurs émotionnels ? Qu'est-ce qui vous rend heureux ? Qu'est-ce qui vous met mal à l'aise ? Ces connaissances sont des trésors inestimables que personne ne peut vous enlever.
La psychologue Brené Brown résume magnifiquement cette idée : "La vulnérabilité est le berceau de l'innovation, de la créativité et du changement." C'est en nous ouvrant aux autres, malgré le risque d'inconfort, que nous grandissons le plus.
Conclusion : Un Éloge de la Relation comme Voyage Intérieur
Chaque relation, qu'elle dure une heure ou une vie entière, est une opportunité de plonger plus profondément dans la connaissance de soi. Chaque personne qui entre dans notre vie plonge potentiellement ce bâton dans notre eau et nous aide à voir ce qui était caché.
Alors au lieu de craindre les remous et les sédiments qui remontent à la surface, peut-être pouvons-nous accueillir ce processus avec curiosité et gratitude. Car c'est ainsi que l'eau trouble devient progressivement plus claire, nous permettant de voir plus profondément en nous-mêmes et, paradoxalement, de nous connecter plus authentiquement aux autres.
La prochaine fois que vous sentirez cette eau s'agiter en présence de quelqu'un, respirez profondément et dites-vous : "Voici une chance d'apprendre quelque chose de nouveau sur moi-même." Et peut-être découvrirez-vous que les relations, avec toutes leurs joies et leurs difficultés, sont finalement nos plus grands professeurs.
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